Nous sommes partis en juillet pour une traversée Nord-Sud de l’Islande à vélo, avec le maillot de notre cher club Bretagne VTT sur le dos. Entre glaciers et vastes étendues désolées, volcans et sources chaudes, voici un petit récit de notre voyage.
L’idée
Janvier 2009 – Alors que je commence à réfléchir à nos prochaines vacances (à vélo évidemment), pensant partir en famille le long des canaux de Bourgogne et du Nivernais, je me rappelle soudain que nous fêterons pendant l’été nos dix ans de mariage. L’idée de partir en amoureux s’impose alors. Nous n’avons pas encore expérimenté le voyage à vélo à deux, sans enfants, et c’est là l’occasion rêvée de débuter. Tout de suite j’appelle Grands Parents Services, qui confirment qu’il n’y a aucun problème, mais alors là aucun, pour garder les enfants deux semaines en été. Nous voilà donc libres de partir où nous voulons. Reste à choisir la destination: un endroit pas trop chaud, pas trop loin, avec pas trop de voitures… j’achète par hasard le hors série du magazine Carnets d’Aventure sur le voyage à vélo et tombe sur un petit encart qui relate brièvement la traversée du désert intérieur de l’Islande par deux cyclistes, avec une toute petite photo montrant une piste se perdant au milieu de nulle part; mes connexions neurale s’activent soudain, mon cerveau grésille: c’est ça qu’il nous faut! Nous mettrons donc le cap sur l’Islande.
La préparation
Première action: prendre des renseignements sur le pays. Emprunt du Routard à la bibliothèque, surf sur internet. Je dévore tout ce qui vient. Les nombreux récits de voyage à vélo en Islande trouvés sur le web, ainsi que les photos qui les accompagnent, me font baver d’envie. Dans le guide c’est mitigé: le Routard dit carrément que l’Islande n’est pas un pays à faire à vélo (routes trop mauvaises, climat trop pluvieux et trop venté), mais de nombreux récits trouvés sur internet disant le contraire, nous ne nous décourageons pas. Notre voyage nous donnera raison.
Choix de la période: nous pensons naïvement partir fin mai, histoire d’éviter l’affluence tourisitique de l’été, et de payer le transport moins cher. Une étude rapide du climat et des conditions de circulation nous fait prendre conscience que les routes intérieures sont fermées jusque fin juin, début juillet pour certaines, en raison de la fonte des neiges. En effet, sur ces routes se trouvent de nombreux gués infranchissables quand le débit des rivières est trop important, sans parler de la boue. Nous partirons donc en juillet.
Choix de l’itinéraire: différentes routes permettent la traversée Nord Sud de l’Islande: la route de Kjolur (piste F35), la route de Sprengisandur. La route de Sprengisandur, plus longue, présente des parties sableuses, traverse de nombreux gués, et nécéssite une plus grande autonomie alimentaire. Nous l’écartons donc. Le guide Lonely Planet que nous avons acheté (d’ailleurs plus optimiste que le Routard sur les possibilités de faire du vélo en Islande) nous informe que toutes les rivières traversées par la route de Kjolur se franchissent maintenant sur des ponts. Nous l’emprunterons donc. Cette traversée prenant grosso modo une semaine, il nous reste une autre semaine pendant laquelle nous prévoyons de rejoindre une vallée isolée, la vallée du Porsmork, par d’autres pistes, et enfin de rentrer vers l’aéroport par la route nationale 1, puis par les pistes du sud de la péninsule de Reykjanes.
L’équipement: la température moyenne étant de 10° en juillet, des gelées et même des averses de neige pouvant survenir dans le centre de l’île, la pluie et le vent pouvant durer longtemps, mais de belles journées avec des températures de 20° pouvant aussi se produire nous optons pour un équipement double hiver/été.
Hiver: veste imperméable respirante, pantalon idem, guêtres de moto, gants d’hiver étanches, cuissard long et blouson vélo chaud.
Eté: cuissard court, maillot léger, mitaines et … tongues pour traverser les gués.
Couchage: matelas autogonflant, tente avec un bonne armature résistant bien au vent, sacs de couchage température de confort 5°, plus des sous sacs en tissu polaire que nous fabriquons. Malheureusement nous n’avons pu les emmener car une fois plié ça s’est révélé trop volumineux pour entrer dans les sacoches. Du coup nous avons parfois eu froid la nuit!
Nourriture: comme nous devons avoir une automie alimentaire de 4 à 5 jours dans l’intérieur de l’île nous achetons une dizaine de rations de nourriture lyophillisée sur Internet. C’est léger et peu volumineux. Nous achetons aussi une vache à eau de 10l pour avoir plusieurs jours d’autonomie en eau, on ne sait jamais. Elle se révèlera pas indispensable, mais très utile. Nous avions lu à plusieurs reprises qu’il était difficile de trouver des cartouches de gaz pour réchaud en Islande. Nous avons donc emprunté le réchaud multi-carburant de Fabrice (essence, gaz oil, whisky…). Une fois sur place, nous avons constaté qu’en fait on trouve des cartouches de gaz de type Primus partout, et de type Camping Gaz de temps en temps.
Vélos: comme la plupart des routes que nous emprunterons sont des pistes non goudronnées, parfois bien dégradées par les passages de 4×4, j’opte pour mon fidèle VTT Cannondale et la remorque Bob Yak pour les bagages. Je lui installe ma sacoche de guidon pour les objets précieux (porte monnaie, billet d’avion) ou d’usage courant (crême solaire, barres céréalières). Anne Yvonne n’ayant pas de VTT, elle prendra son Specialized Globe City, qui est très robuste, avec 2 sacoches avant et 2 sacoches arrière, plus une sacoche de guidon. Je lui monte des pneus Schwalbe Marathon XR de 40 mm. La constitution de la trousse à outils et de pièces de rechange est grandement facilitée par le fait qu’étant membre de Bretagne VTT depuis un bon moment, j’au pu voir (et subir parfois!) toutes les pannes et incidents possibles sur un vélo, du bris de cadre à la vis de chariot de selle qui casse (certains au club sont spécialistes…), en passant par la patte de dérailleur qui lâche. Je sais donc parfaitement ce que je dois emporter pour faire face à toutes les situations (en priant pour que nous n’ayons pas de casse de cadre quand même…)
Le transport: l’Islande est accessible en avion ou en ferry (depuis le Danemark via les îles Féroé) si on a du temps. Nous choisissons l’avion, avec la compagnie Icelandair au départ de Roissy-CDG. Réservation des billets sur internet, et par téléphone pour des vélos. Bien nous en a pris car le nombre de vélos est limité par avion. Le passage des vélos revient à 28 euros par vélo; on n’a rien payé pour la remorque qui est passée comme un bagage normal car nous n’étions pas en excédent de poids. Pour rejoindre Roissy nous prenons le TGV depuis Rennes.
Emballage des vélos:
notre principal problème est de mettre les vélos dans le train. C’est autorisé dans le TGV, sans surcoût, à condition que les vélos soient emballés et n’excèdent pas 120 x 90 cm, la taille des compartiments à bagage. Après enquête sur le prix des housses (environ 100 euros la housse pour les premiers prix) nous décidons de les fabriquer nous même, ce qui nous reviendra à 90 euros pour 2 housses vélo et une housse remorque. Pour rentrer dans les dimensions SNCF, il faudra enlever roues, portes bagage avant et dérailleurs arrière. Les pédales sont dévissées et remontées à l’intérieur des manivelles, la selle baissée au maximum, et le guidon dévissé et tourné dans l’axe du cadre. Toutes les parties sensibles sont protégées par de la mousse et du scotch, et enfin nous glissons des cartons plats entre les vélos et les housses. En procédant de la sorte, les deux vélos sont rentrés sans problème dans les compartiments bagages entre les voitures du TGV.
3 juillet: le départ!
Lever à 4h45 pour prendre le TGV. Un bisou aux enfants endormis, et nous voilà partis. Les bagages occupent un volume impressionnant dans la voiture, je stresse en me demandant comment tout ça va rentrer dans le train. Heureusement, mon père est là pour nous aider à tout descendre sur le quai. Comme nous sommes en avance, tous les emplacements bagage sont vides et nous pouvons tout ranger tranquillement. A Roissy nous jetons tout en vrac sur le quai, puis je me mets en quête de 2 chariots. Il faut tricher un peu car les chariots sont interdits sur le quai SNCF. Nous devons changer de terminal en prenant le CDGVAL (un petit train automatique, comme le métro de Rennes). Malheureusement, les chariots ne peuvent y accéder, il faut donc tout décharger, tout trimballer à la main pendant 50m en faisant plusieurs allers retours, tout charger dans le CDGVAL sous les regards éberlués des autres voyageurs (certains sont sympa et donnent spontanément un coup de main, merci à eux), et rebelote de l’autre côté. Au total, il aura fallu 1h30 pour changer de terminal. L’enregistrement se passe sans encombres, un bagagiste vient spécialement chercher nos vélos et nos sacoches. Enfin libérés des bagages nous soufflons. Au bout de 3h30 de vol (avec juste 1 jus de fruit, chez Icelandair on optimise les coûts …) l’Islande est en vue. Nous atterrissons après avoir survolé de vastes étendues de lave sans végétation. La récupération des bagages se passe sans problème, tout arrive sur le tapis roulant. Il faut maintenant remonter les vélos et la remorque. Je constate avec soulagement que le matériel est intact! Les housses ont bien rempli leur rôle. Au bout d’une heure, nous sommes fin prêts. Pendant qu’Anne Yvonne change nos euros en couronnes islandaises (krona), je vais jusqu’au camping voisin (2km), le camping Alex, avec tout ce qui a servi à l’emballage sur la remorque. Ils nous garderont tout ça pendant notre séjour à condition qu’on réserve notre dernière nuit chez eux. Pratique! Puis nous montons dans le bus, direction Reykjavik. Près de la gare routière nous partons acheter de l’essence pour le réchaud. La caissière nous donne un bidon contenant 2 litres d’essence purifiée, laissé là par un cycliste qui a acheté tout le bidon mais n’a pas pu tout prendre avec lui, et ne nous fait rien payer. Sympa! Nous gagnons ensuite le camping de Reykjavik, à 5 km de là. Premiers essais de roulage, tout se passe bien. Le camping est vaste, et l’ambiance y est assez routarde: randonneurs à pied, cyclistes qui n’en sont pas à leur coup d’essai, quelques 4×4 et motos aussi. Nous rencontrons un français et un flamand qui terminent leur séjour. C’est l’occasion d’obtenir quelques tuyaux sur les pistes de l’intérieur de l’île. Dans l’ensemble notre choix d’itinéraire est conforté.
4 juillet: Reykjavik
Nous passons cette journée à visiter la capitale. La ville est très étendue, mais nous restons dans le centre. C’est une ville qui a très peu de patrimoine architectural, les plus vieilles maisons datent des années 1800. Les maisons sont recouvertes de tôle ondulée, y compris sur les murs, pour les protéger des intempéries.
Le parlement est tout petit, on réalise en le voyant que l’Islande, grande comme 1/4 de la France, ne compte que 350000 habitants, soit en gros la population de Rennes Métropole! C’est une île vaste et vide. Nous achetons des cartes précises pour la suite de notre voyage, et faisons une visite très intéressante avec un guide qui nous parle de la crise financière qui frappe l’Islande. Il parait qu’une famille quitte chaque semaine l’Islande à la recherche d’un travail à l’étranger. Pourtant, les effets de la crise ne sont guère perceptibles. Nous visitons ensuite le cimetierre, très joli avec ses arbres.
Nous rencontrons deux vieux qui connaissent la Bretagne par les pêcheurs qui venaient jusqu’en Islande autrefois. Sur le port nous observons de vieux baleiniers qui rouillent. L’Islande a repris la chasse à la baleine, on peut en manger dans certains restaurants. Au camping l’eau est super chaude (80°C) et sent l’oeuf pourri: vive la géothermie! Il parait que les trottoirs de Reykjavik sont chauffés en hiver. L’énergie de coûte pas cher dans ce pays.
5 juillet: transfert en bus vers le Nord, et c’est parti!
Réveil sous la pluie battante. Le petit dej vite avalé, nous partons vers la gare routière ou nous allons prendre le bus pour Blonduos, une ville du Nord d’où part la piste F35 que nous allons suivre. Le bus emprunte la route 1, qui fait le tour de l’île. Une fois sorti de l’agglomération de Reykjavik, les paysages deviennent très vite beaux, et variés. Les montagnes flirtent avec la mer. Plus loin ce sont des champs de lave, puis des paturages. Le bus s’arrête dans les stations service des petites villes. On trouve de tout dans ces stations service: essence, nourriture, journaux, matériel de bricolage, restauration rapide, toilettes et accès internet. A Blonduos nous enfilons nos cuissards et en route, direction la piste F35. La route monte à travers les pâtures. C’est la saison des foins, partout les paysans s’activent dans les champs à faucher, faire sécher et emballer le foin qui servira de nourriture au bétail pendant le long hiver. Nous montons toute l’après midi vers les hauts
plateaux de l’intérieur, le long de la rivière Blanda, avec vent de face.
La piste est bien damée, assez roulante. Vers la fin de l’après midi la montée devient plus raide, nous nous arrêtons bivouaquer sur une aire de pique nique déserte.
6 juillet: au milieu de nulle part.
Il fait toujours beau, et nous reprenons la montée. Au bout de deux heures nous sommes enfin sur le plateau. Nous apercevons deux glaciers au loin, et des lacs un peu partout. Nous croisons un couple de français à vélo, qui nous informent que plus loin la piste est en mauvais état. Nous passons le lac Blondulon, gravissons un point de vue, redescendons.
Le paysage est très minéral, il n’y a plus de végéation hormis quelques mousses. Après une petite sieste, nous repartons direction Hveravelir. En fin d’après midi, la route se dégrade et devient caillouteuse;
ça secoue mais qu’importe, nous pensons avoir le temps de rejoindre Hveravellir pour le soir. Alors que nous faisons une pause casse crôute, un petit van conduit par des Allemands s’arrête. Ils nous demandent si ça va; nous répondons par l’affirmative. La route n’est pas facile, les 4×4 qui nous doublent soulèvent la poussière et nous devons fermer les yeux quand ils nous dépassent. Encore un dernier effort au milieu de vastes étendues de cendres volcaniques rouges, et nous apercevons fumer les sources chaudes de Hveravellir. Nous sommes arrivés! Il est huit heures du soir, mais il fait jour comme en milieu d’après midi: le soleil ne se couche pas en été sous ces latitudes. Après avoir monté la tente et mangé nous nous prélassons dans le bain aménagé près des sources chaudes:
une eau à 80°C se mélange à une eau à 10°C, ce qui fait que nous avons toute la gamme de températures intermédiaires: c’est très agréable!
7 juillet: le Kerlingjarfoll
Retour sur la piste, pas d’amélioration du terrain. En plus les mouches qui ne doivent pas avoir grand chose à se mettre sous la dent nous poursuivent en nuages bourdonnants. Nous sommes maintenant entre les galciers du Hofsjokull et du Langjokull. La route serpente dans les champs de lave de Kjolur. Au loin se dessinent les sommets du Kerlingjarfoll, une chaine de montagne longtemps inexplorée car s’y cachaient des hors la loi.
Aujourd’hui c’est un endroit propice à la randonnée, où l’on trouve aussi des sources chaudes. Nous quittons la piste F35 pour y aller. De longues montées nous attendent, parfois sableuses. Nous n’avons que 10 km à faire pour atteindre le camping d’Asgarjfall, mais nous avons l’impression de ne pas avancer.
Je prend les 2 sacoches avant d’Anne Yvonne pour l’alléger un peu. Au bout de 10km, nous commençons à trouver bizarre de ne pas voir le camping. Nous venons de franchir un gué, nous sommes face à une montée très raide, dont nous ne voyons pas la fin, et Anne Yvonne est découragée. Elle ne veut plus avancer. Comme nous apercevons une étendue d’herbe plate au loin, nous décidons d’y aller en quittant la route. Je propose d’y planter la tente. Anne Yvonne grogne. Nous sommes près d’une butte en haut de laquelle un petit panneau se dessine à contre jour. Anne Yvonne monte voir penadant que je commence à décharger la tente. Tout à coup elle me fait de grands signes: le camping est juste derrière! Du coup je me tape la montée avec tous les bagages, et nous redescendons vers le camping, agréablement situé dans une prairie au bord d’un torrent. Une bonne douche, et nous voilà remis d’aplomb. Nous nous offrons un repas islandais au resto (rien de tel qu’un bon repas pour se redonner du moral quand on a eu une journée physiquement difficile!): soupe d’agneau, genre de parmentier de poisson et skyr (du fromage blanc). Nous allons nous coucher, mais je réalise que nous avons planté la tente trop près du groupe électrogène: le bruit est infernal car il résonne dans l’étroite vallée du camping. A minuit je réveille Anne Yvonne pour que nous déménagions plus loin. Un écossais qui revient de balade (il fait toujours jour!) nous aide à transporter nos affaires, sous l’oeil d’un groupe d’allemands qui doivent bien rigoler à nous voir démanager en pyjama! Et le plus beau c’est que sitôt après que nous ayons repiqué la tente, le groupe électrogène s’éteint!
8 juillet: Kerlingjarfoll et Hvitarvatn
Nous nous levons tôt le matin pour une randonnée à pied de 4 heures vers les sources chaudes du Kerlingjarfoll. Montée dans les névés,
puis redescente vers une vallée toute fumante: ruisseaux bouillonnants, concrétions minérales, marmites de boues inquiétantes dans lesquelles viennent mollement éclater de grosses bulles de gaz…
on se croirait sur une autre planète. Non non, on est bien sur terre. L’endroit attire les convoitises car il parait qu’il y a un projet de construction d’une centrale géothermique pour capter cette énergie gratuite. Souhaitons que ce projet ne voie jamais le jour car il ruinerait ces paysages magnifiques et surprenants. Nous redescendons vers le camping par la piste, en coupant les virages à travers les névés et les étendues de mousses grises. L’après midi nous enfourchons nos montures. La piste descend, que du bonheur.
Je monte les quelques côtes à toute vitesse, puis redescends à pied pousser Anne Yvonne qui apprécie ce mode de propulsion (ne l’y habituons pas trop quand même…). Nous retrouvons la piste F35. Au loin, au pied du glacier Langjokull miroite le lac glaciaire Hvitarvatn. Pour le rejoindre nous devrons traverser un large gué. 6 allers retours me seront nécéssaires pour transborder toutes les affaires et les 2 vélos.
Nous gagnons tranquillement le lac dans le soleil du soir. Le refuge est très isolé, gardé par une femme qui passe l’été là avec ses 2 enfants. C’est le refuge le plus ancien d’Islande. Il y a là aussi les ruines d’une colonie Viking. Les ruines islandaises ne sont guères intéressantes: quelques monticules d’herbe et de mousse. Mieux vaut aller en Grèce ou en Italie quand on aime les monuments anciens! Trois motards tout terrain Norvégiens en armure de plastique nous rejoignent bientôt. Nous campons près du refuge, au bord d’une rivière dont le niveau baisse au fur et à mesure que le soleil décroit dans le ciel: quand la température baisse, le glacier qui alimente cette rivière gèle, et le débit d’eau diminue.
Je cause avec un cycliste anglais qui suit la piste vers le Nord. Comme il a un vélo demi course et peu de nourriture je le dissuade de continuer dans cette direction. Il risque fort de casser des rayons ou déchirer ses pneus. Nous nous couchons après avoir admiré un vol d’oies sauvages en formation parfaite.
9 juillet: back to the civilization
Petit dej japonais: thé-riz-sardines car on n’a plus de pain. Départ du refuge/camping vers 9h30, direction sud par une piste parallèle à la F35 que nous rejoignons au bout de 10km. Nous passons sur un pont la rivière Hvita, de couleur bleu laiteux. Le temps est toujours au beau, venté cependant.
C’est parti pour l’ascension du col de Blafell. Heureusement que l’état de la piste s’améliore. Un 4×4 ralentit en nous doublant. Le conducteur hurle par la vitre ouverte:- « allez les Bretons! Nous aussi on est de Rennes! ». Il a vu l’inscription « Bretagne VTT – Rennes » dans mon dos sur le maillot du club. Plus loin c’est un bus de touristes qui nous applaudit et nous prend en photo! Après la montée nous avons droit à 4 km de descente. Le freins chauffent! Nous retrouvons finalement l’asphalte, après 250 km de piste.
La vitesse moyenne fait un bon en avant! Nous roulons à bonne allure vers les chutes d’eau de Gulfoss: la rivière Hvita se jette dans une gorge par des chutes à deux niveaux, dans un grondement de tonnerre; ça nous fait drôle de voir tant de monde après ces quelques jours de solitude. Nous arrivons à Geyzir en fin de journée. Du nom de cet endroit est né le mot « Geyser ». Nous allons voir le Strokkur, un geyser qui jaillit à 20m de haut toutes les 5 minutes.
Nous allons nous prélasser au spa de l’hôtel voisin, en compagnie d’un vieil islandais qui nous demande si nous n’avons pas eu peur au lac Hvitarvatn, car il y a un fantôme dans le refuge près duquel nous avons dormi la veille. Il devait dormir lui aussi, car rien n’a troublé notre nuit!
10 juillet: étape de transition Geysir – Hella
Nous avons maintenant terminé la traversée du désert intérieur. Nous prenons la route pour Hella. 80 km de route goudronnée, ça devrait se faire vite. Première halte à Reykholt, où l’on nous a assuré qu’on trouverait un supermarché pour acheter de la nourriture. Après avoir fait le tour de la ville, nous nous rendons à l’évidence: beaucoup de serres, mais pas l’ombre d’un supermarché.
Renseignements pris, le supermarché c’est la station service. Nous y trouvons tout ce qu’il nous faut. La route chemine dans une vaste plaine. Dans les champs on s’active à faire les foins. La campagne est un tapis vert émaillé des tâches blanches des round ballers.
Depuis le matin souffle un fort vent de face qu’aucun obstacle ne vient freiner; ça nous fatigue bien. Puis nous nous retrouvons sur la route principale, la route numéro 1. On est vendredi soir, les Islandais partent en week end avec 4×4 et caravanes tout terrain. Le traffic est incessant, les voitures nous frôlent, bref on ne se sent pas en sécurité et c’est l’horreur. Les kilomètres défilent lentement, et nous arrivons enfin à Hella. En chemin nous avons décidé de faire une pause vélo de deux jours et de prendre le bus pour aller faire un peu de marche à pied dans le Landmannalaugar, dont tout le monde dit grand bien. Le gérant du camping accepte de garder nos vélos et les affaires dont nous n’aurons pas besoin: c’est la serviabilité Islandaise!
11 et 12 juillet: Landmannalaugar – on a marché sur la lune!
Nous prenons le bus 4X4 à Hella direction Landmannalaugar à l’intérieur des terres. La route s’arrête bientôt pour laisser place à la piste.
Le volcan Hekla nous domine. Ce volcan entre en éruption tous les dix ans, et la prochaine est prévue pour 2010. Autour de nous le paysage est lunaire: cendres grises d’où émergent des roches déchiquetées.
C’est magnifique! Plus loin nous longeons un lac qu’obstrue une coulée de lave. Puis nous franchissons un gué profond, et c’est l’arrivée au camp. Nous mangeons en compagnie d’un couple de cyclistes français qui sont venus jusque là en vélo, et qui nous font bien envie. Ils jugent la piste tout à fait faisable, du coup nous regrettons un peu d’avoir pris le bus. Nous montons la tente et partons pour une grande marche à travers les montagnes. Nous atteignons un altitude de 1000m, mais en raison du fort vent, de la neige et de l’absence totale de végétation nous avons l’impression d’être beaucoup plus haut. Puis nous redescendons, et là les choses se corsent: le chemin (ou l’esquisse de chemin…) emprunte une crête étroite, gravillonneuse et glissante. Nous ne sommes pas rassurés, car nous n’avons pas de bonnes chaussures de marche et notre adhérence est limite. Enfin, petit pas par petit pas on progresse et ça passe. Il nous reste une rivière à traverser et nous rejoignons le sentier qui serpente à travers une coulée de lave jusqu’au camp. Nous rencontrons deux tchèques qui ont assité d’en haut à nos péripéties et nous félicitent pour nos talents d’escaladeurs…
Au menu ce soir: soupe et source chaude! Le lendemain le vent est tombé et il fait chaud. Nous avons une bonne matinée de marche devant nous. Nous cheminons d’abord à travers une large vallée où se croisent de multiples cours d’eau, puis par un sentier bien raide nous montons vers une série de crêtes qui nous ramènent vers le camp. La vue est magnifique. Au retour l’appareil photo nous lâche définitivement. La poussière de la piste aura eu raison du mécanisme optique. Retour en bus en fin d’après midi jusqu’à Hella, où nous récupérons nos affaires. Nous rencontrons un couple de cyclistes américains qui débutent leur voyage. Nos photos du Landmannalaugar leur font bien envie.
13 juillet: en route pour le Porsmork
Nous laissons Hella derrière nous, bien motivés pour rejoindre le Porsmork à vélo. Porsmork signifie « la Marche de Thor ». Thor est le dieu de la nature, du tonnerre, des vents et des catastrophes naturelles des Vikings. Le Porsmork est une vallé isolée entourée de chaines de montagnes couronnées de plusieurs glaciers, dont le Myrdalsjokull sous lequel sommeille un volcan, le Katla. Quand le volcan se réveille, il fait fondre la glace, ce qui crée des innondations terribles dans toutes les vallées alentours jusque dans la pleine côtière.
Quand le volcan est calme c’est un lieu de trek et randonnée superbe. La piste du Porsmork emprunte le fond de la rivière Markajflot, ce qui fait qu’elle est très difficile. En plus il faut traverser à gué chaque affluent de cette rivière, et ils sont nombreux car il coulent directement du glacier qui longe la vallée. Inutile de dire que l’eau est glaciale…
Mais comme on a déjà fait pas mal de piste, que le profil du parcours est plat et que la section difficile ne fait que 20 km nous décidons de nous lancer. En apéritif nous avons 60 km à faire sur la route numéro 1, et c’est un plaisir cette fois car il n’y a personne et le vent souffle de l’arrière. A midi nous sommes à l’entrée de la vallée. La piste se dégrade progressivement jusqu’à devenir un champ de galets: ça secoue, et la vitesse moyenne tombe à 7 km/h! Au fur et à mesure que la journée avance, le temps se couvre et l’atmosphère devient lugubre, mais les paysages sont tout simplement magnifiques: cimes déchiquetées, langues glaciaires venant mourir dans des lacs. Tous les gués se trouvent dans la seconde moitié de la piste. Certains se franchissent simplement en poussant les vélos, d’autres nécessitent de porter tout l’équipement du fait du courant et de la profondeur. Les 4X4 croisés nous regardent en se demandant qui sont ces fous venus s’aventurer jusqu’ici sur des engins non motorisés. Mais en vélo on passe partout, même si on ne va pas vite! En fin d’après midi nous arrivons en vue du camping de Langidalur. Chouette se dit on. Hélas il nous faut vite déchanter: le chemin passe à travers 4 ou 5 bras de rivière, et une femme nous dit que le matin le bus a eu du mal à passer. Du coup nous décidons de ne pas prendre de risques et de pousser jusqu’au refuge de Basar, heureusement pas trop loin.
Ce refuge est implanté dans un endroit magnifique: une forêt de bouleaux nains, au pied du Godaland (le Pays des Dieux). Nous somme heureux d’êtres arrivés, nous aurons mis 5h pour faire 20km et traverser 15 gués. Le gardien du refuge nous dit qu’on a eu de la chance car l’été est sec ce qui fait que les gués sont moins nombreux. Certaines années il y en a 30! Nous finissons la journée sous une petite bruine.
14 juillet: le Godaland
Après une bonne nuit, nous voila requinqués pour aller marcher en altitude. Nous partons pour une marche de 7h dans le Godaland. Nous suivons un chemin renommé, le trek de Porsmork à Skogar, une ville sur la côte sud. Il y a pas mal de marcheurs style marche nordique. Nous avons l’intention de monter jusqu’au glacier. Au départ de la balade un panneau indique dans plusieurs langues la conduite à tenir encas d’éruption sous glaciaire. En gros, si l’on aperçoit des tirs de fusée ou si on entend 5 bangs sonores (pétards tirés par les gardiens de refuge), il faut de suite monter en altitude pour se mettre à l’abri de l’innondation.
Le chemin est bien raide, balisé de petits poteaux de bois pas toujours faciles à repérer. Nous arrivons sur un plateau juste au dessous du glacier. Finalement nous renonçons à monter sur le glacier car l’ascension finale se fait par un vaste névé, ça à l’air bien raide et nous n’avons pas de bonnes chaussures.
La redescente se fait en suivant d’abord une vallée aux roches rabotées par l’érosion galciaire, puis le long d’un canyon vertigineux que nous suivons pendant deux heures. Nous voyons au loin la vallée de la Markajflot dans laquelle débouche le canyon. Nous passons au pied du sommet du Godaland, et nous apercevons soudain le visage de Thor. Le sentier lui passe sur le nez, pourvu qu’on ne le fasse pas éternuer! On finit par une belle descente sous les bouleaux.
15 juillet: le mont Valahnukur
Nous avons une matinée de marche. L’après midi nous prenons le bus pour rentrer. Nous partons donc pour un sommet proche, qui a l’avantage d’offrir une vue panoramique sur la région, le Valahnukur.
Marche facile et sympathique. De la haut on aperçoit même la mer, et les îles Vestmannaeyjar, dont l’île d’Heimaey dont le port faillit disparaitre en 1973 sous une coulée de lave. Les pompier réussirent à dévier la coulée de lave en l’aspergeant avec 6 millions de tonnes d’eau de mer pendant 4 mois, préservant ainsi le port et donc toute l’activité économique liée à la pêche! De retour au refuge nous attendons le bus, un peu inquiets de savoir si on va pouvoir charger nos vélos. Un énorme tas de matériel attend en effet lui aussi d’être chargé. Le bus arrive, le chauffeur maugrée en voyant nos vélos et nous dit qu’il y a un problème, qu’il ne peut pas les prendre. Je lui explique qu’on n’a pas l’intention de refaire les 20km de piste en sens inverse, et du coup il va discuter avec le chauffeur d’un autre bus, privé celui là, qui transporte un groupe sans bagages. Finalement il revient vers nous et nous dit que l’autre chauffeur est d’accord pour prendre nos vélos et qu’il les laissera à la station service où nous devons descendre, Hveravergdi. C’est sympa, mais on se demande un peu qui va surveiller nos vélos et nos bagages en attendant qu’on arrive, mais nous n’avons pas trop le choix. L’Islande étant un pays sûr, avec peu de criminalité, on décide de faire confiance. Sur le trajet on s’amuse de voir le bus traverser les rivières, on se demande parfois si l’on n’est pas dans un bateau. A Hveravergdi, c’est le soulagement, nos vélos et nos affaires sont bien là! On peut faire confiance aux Islandais!
16 juillet: Hveravergdi -> Grindavik
Il est temps de prendre la route de l’aéroport. Nous gagnons par la route la côte sud de la péninsule de Reykjanes, où nous prenons la piste F427. Cette piste longe la mer, entre champs de lave et falaises. En comparaison avec ce que nous venons de faire dans le Porsmork, c’est du gâteau. Chose curieuse, les laves solidifiées sont souvent couvertes d’une mousse grise, très confortable pour faire la sieste. En chemin nous nous arrêtons visiter une petit chapelle près de Krisuvik.
Dès la fin de la piste avant Grindavik, il nous faut passer un col: 3 km de montée, suivis de 3 km de descente. Grindavik est un port de pêche assez actif. Au camping nous discutons avec un cycliste allemand qui termine lui aussi son voyage: des étapes jusqu’à 200km, parfois sans manger. Mais il nous assure que ce qu’il a trouvé le plus dur, c’était de ne pouvoir acheter ni cigarettes, ni bière!
17 juillet: Blue Lagoon
Grindavik est situé tout près du Blue Lagoon, l’attraction touristique locale située près d’une centrale géothermique. La centrale capte l’eau chaude à 2km de profondeur, produit de l’électricité. L’eau chaude sert aussi à chauffer à 38°C un vaste bassin aménagé à proximité dans un champ de lave. L’eau est très minéralisée, ce qui lui donne un couleur bleutée assez sympa.
Par là dessus on trouve un emballage touristico-marketing avec restaurants, ligne de soins, et spas. Nous avons bien apprécié le bain à 38°C, après tous ces jours exposés au vent et à la poussière. Chose bizarre, des vendeurs viennent régulièrement vendre des boissons sur un ilot au milieu de la piscine, ce qui fait qu’on trouve des baigneurs sirotant leur bière dans l’eau! Et en début d’après midi nous reprenons la route pour gagner le camping près de l’aéroport. Nous retrouvons nos emballages à vélo, et rencontrons un cyclocampeur Français qui s’est retrouvé avec une seule sacoche et pas de vélo en sortant de l’avion, le reste s’étant perdu entre Roissy et Reykjavik. Il devra patienter 4 jours pour tout récupérer. Du coup nous lui laissons quelques affaires pour le dépanner. Le lendemain nous nous levons très tôt pour nous rendre à l’aéroport. Séance de démontage/emballage devant l’aérogare, puis on nous fait court circuiter l’énorme file d’attente car les vélos emballés sur les chariots sont trop larges pour entrer dans le parcours d’enregistrement. Bon plan!
Conclusion
Ce voyage était notre première expérience de voyage à vélo sans enfants. Nous avons apprécié notre mobilité. L’Islande est un pays magnifique, où la nature est encore sauvage et préservée, accessible à tout cycliste à condition d’aimer le camping et de savoir se débrouiller en cas de panne. Ce type de voyage nécéssite une bonne préparation matérielle car on ne peut compter que sur soi même en cas de problème. Nous regrettons juste de n’avoir pas eu deux semaines de plus, ce qui nous aurait permis de faire un tour complet de l’île.
Et pour finir, voici à quoi ressemble une nuit d’été Islandaise (photo prise à 2h du matin!)