Récit de voyage cyclo-camping de Bruno dans les pyrennées. Un véritable exploit sportif !
Le murissement du projet
En janvier 2010, je commence à réfléchir à un itinéraire original pour un voyage en cyclo-camping.
En surfant sur internet je découvre qu’il existe un itinéraire« clé en main » pour traverser les Pyrénées par la route des cols, le tracé est d ‘environ 900 km et 14000 m de dénivelé positif.
Je programme le voyage sur mai-juin . Cela laisse le temps aux neiges récalcitrantes de fondre , c’est une période où il n’y a pas encore trop de circulation automobile sur les routes de montagne, cela me permet de préparer confortablement le voyage.
La préparation du voyage
Je vais au guichet SNCF me renseigner sur les options pour le voyage aller vers Hendaye et le retour de Argeles sur mer dans l’objectif de trouver des trains qui acceptent les vélos.
A partir de l’itinéraire de la route des cols, je prépare le road book avec les étapes, les références des routes prises. j’ai découpé le voyage en 10 étapes qui sont choisies de manière à avoir des longueurs d’étapes équilibrées (entre 80 km et 110 km), les villages étapes devaient avoir au moins un camping, un bar et une épicerie. J’ai aussi essayé de choisir des villages touristiques.
Je trouve une carte au 1/250 000 à la librairie Ariane qui couvre tout l’itinéraire, en montagne les routes sont peu nombreuses, ce genre de carte est suffisante. Avec cette carte, mon road book et ma boussole je n’aurai aucun problème de navigation.
Pour faire face à des ascensions répétées de cols de parfois 20 km, je décide d’emporter le minimum, pour ne pas trop alourdir mon chargement.J’établis ma liste de matériel dans un tableur avec le poids de chaque élément.
Ce travail de préparation en amont est indispensable car en montagne les villages sont éloignés parfois dépourvus de commerce, il permet de validé la faisabilité du projet et de partir serein.
Le choix du matériel
J’ai pris mon vélotaf, auquel j’ai ajouté une béquille, 2 portes gourde, un compteur. Pour transporter mon matériel, j’ai pris une sacoche de guidon, deux sacoches arrière et un sac à dos de 35L que je mettais sur le porte bagage.
J’ai fait le choix de rester en pédales plates et de rouler avec mes chaussures de randonnée, dont les semelles sont aussi rigides que des chaussures de cyclisme, j’avais en plus une paire de tongs pour le soir.
Pour dormir : une toile de tente Wilsa Scorpion, un matelas auto-gonflant therma rest, un duvet Wilsa.
Pour la cuisine : un réchaud à alcool PRS3, une popote primus en titane, un bol en plastique, une demi-éponge, un couteau, une fourchette et une cuillère.
Pour les vêtements : deux cuissards, une veste de pluie, un pantalon pour le soir, 2 t shirts manches longues, deux t shirts manches courtes, une chemisette, un buff, deux paires de chaussettes.
Autre : un appareil photo, un kit de réparation, un antivol, une frontale, un lecteur mp3/radio, une trousse de secours et un kit hygiène.
Les étapes
Après une journée passée dans les trains, j’arrive le lundi 24 mai à 19h00 à Saint Jean de Luz, je sillonne le centre et le bord de mer à la recherche des campings, Je m’installe au camping du bord de mer après avoir négocié une ristourne. Je me charge de pâtes dans le snack en face le camping, une petite balade digestive le long de la côte avant d’aller se coucher alors que le ciel se charge de nuages.
Mardi 25 mai, 84 km, 4h40
Je part de Saint Jean de Luz à 8h00, je suis très motivé, la première difficulté, le col de saint Ignace (169 m) est une formalité. Je passe la frontière espagnole dans une zone commerciale assez moche où les français viennent acheter de l’alcool et des cigarettes.
Le col d’Oxtondo met en évidence un petit problème de patte de dérailleur qui m’empêche de tout mettre à gauche. Je monte le col d’Izpegui à 6km/h d’un trait. Au passage je prends ma pause déjeuner, la bière espagnole à défaut d’être bonne est pas chère.
La descente vers Saint Etienne de Baïgui secoue un peu. Je m’installe au camping municipal de Saint Jean Pied de Port, c’est la porte sur le chemin vers Saint Jacques de Compostelle. Le plus beau camping du voyage, le camping est délimité par les fortifications Vauban. Des préoccupations à l’opposé entre les cyclo-campeurs et les retraités en camping-car alors que j’échange avec des cyclo-campeurs hollandais qui vont vers Saint Jacques, des retraités en camping-car à peine arrivés me demandent où sont les branchements électriques. J’intervertis la patte de dérailleur avec celle de secours et je peaufine les réglages. Je me rends à la maison des pèlerins, j’y discute de coteau du layon avec les bénévoles.
Mercredi 26 mai, 76 km, 5h03
Départ matinal de Saint Jean Pied de Port. Le col d’Iraty arrive assez vite, les premiers kilomètres sont terribles avec des pourcentages autour de 11%, près de 2h30 pour boucler les 17 km d’ascension. Dans la descente les freins chauffent les jantes, mon pneu arrière crève, je dois laisser la jante refroidir pour éviter de me brûler.
Je déjeune à Larrau, puis je reprends la route qui longe la rivière de même nom. Je monte jusqu’à Saint-Engrace, d’après mon road book il y a une épicerie dans cette petite commune de 131 habitants, je ne la trouve pas, il me reste très peu de nourriture,des retraités au camping me donnent 100g de pâte pour mon repas du soir, je les accommode avec un reste de saucisson sec. Il me reste 4 biscuits pour le petit déj du lendemain, c’est un peu léger alors que la journée doit commencer par 12 km d’ascension.
Jeudi 27 mai, 103 km, 7h19
Départ de Saint Engrace sous un ciel gris , certaines portions du Col de Soudet sont terribles avec du 11%, la descente est fraiche,j’arrive à Anette avec les crocs, je m’arrête d’abord à la boulangerie pour un gâteau basque, puis dans un restaurent aux portions copieuses, je suis requinqué !
Je prends les petites routes en mauvais état par le col de Lie,puis le col d’Ichère en phase de digestion, les paysages sont calmes et sauvages. Changement d’ambiance sue la N 134 que j’emprunte un court instant avant de rejoindre le pied du col de Marie Blanque.
Celui ci commence par des petits pourcentages, mais les 4 derniers kilomètres sont terribles avec du 12 à 13 % alors que la fatigue est sérieuse dans les jambes après une journée avec 40 km d’ascension.
Je rejoins Laruns, je crève juste à l’arrivée au camping. Le camping est aussi glauque que son tenancier.
Vendredi 28 mai, repos
Première journée de repos à Laruns, mais le ciel est couvert, je renonce à une petite randonnée dans la montagne. Je visite brièvement un autre camping aussi pourri. La route vers le col de l’Aubisque est annoncée fermée à l’office de tourisme en raison des grosses neiges de mi mai. Je renonce donc à ma plus grosse étape qui devait compter l’enchainement Aubisque, Tourmalet. Je trace sur internet à l’OT un itinéraire bis avec des petites routes par la plaine.
La météo n’est pas terrible, je passe l’après midi et la soirée aux bistrots à lire et regarder les français perdre au tennis.
Samedi 29 mai, 79 km, 4h05
Itinéraire bis dans la plaine, passage en fond de vallée par les plus petites routes possibles. Ces petites routes sont tranquilles,cela contraste avec le passage par Lourdes et ses marchands du temple, je ne m’y attarde pas, j’arrive en début d’aprèm à Bagnères de Bigore , je m’installe au camping de l’Adour à Gedre juste à proximité de centre Laurent Fignon. Je vais me détendre 2 heures aux thermes.
Dimanche 30 mai, 76 km, 5h02
Départ de Gedre pour le col d’Aspin, beaucoup de cyclos font l’ascension, à Sainte Marie de Campan certains bifurquent vers le Tourmalet. La descente vers Arreau est faite à vive allure comme je la connais assez bien.
Je reprends des forces à Arreau avant de me lancer sur les pentes du Peyresoude. Ce deuxième col de la journée se passe bien. En début de descente je croise un couple de cyclo-campeurs suisses qui font le parcours inverse, d’après eux c’est plus difficile dans mon sens. J’arrive à Bagnères de Luchon, je prends mes repères dans la ville. J’apprends à l’office de tourisme que les sentiers de randonnée sont abimés suite à la tempête, je n’ai aucune raison de prendre un jour de repos à Bagnères de Luchon.
Lundi 31 mai, 87 km, 5h49
A peine 1 km après le départ de Bagnères l’ascension du col de Portillon démarre sous une fine bruine, la montée fait 9 km avec une moyenne de 8%, j’aperçois les dégâts occasionnés par la tempête, de nombreux arbres sont abattus. La descente côté espagnol vers la vallée de la Garonne est faite dans le froid. En suivant la Garonne je repasse en France à Sainte Béat. Le midi je déjeune au lac de Gery près d’une carrière de marbre.
La montée du col de Menté est terrible 9,5 % sur 9 km en phase de digestion. Dans les lacets de la descente je croise de nombreux cyclos étrangers et leur voitures d’assistance.
Dans le dernier col de la journée de 4km à 10 % je suis épuisé,je dois me résoudre à marcher pendant 1 km.
La descente vers Castillon en Couserans se fait en suivant la rivière et traverse des petits villages. Une journée de repos s’impose.
Mardi 1er juin, repos
Journée de repos à Castillon en Couserans pour recharger les batteries. Le matin je profite du marché pour préparer des repas un peu plus variés et copieux. Je profite du soleil pour faire une lessive. L’après midi je ne faits rien « Do nothing, then rest ».
Tout le monde se connait au village, l’ambiance est conviviale le bistrot est le point de ralliement.
Le soir je discute avec un berger un peu ermite, il me parle de la dureté de la vie de berger, de ses deux chiens qui sont sa fierté.Il ne travaille plus en France, il préfère aller faire du free lance en Suisse. Son jeune chien a remporté le concours de chien de berger en Suisse dans la catégorie des moins de deux ans.
Mercredi 2 juin, 105 km, 6h57
Départ de Castillon sous un ciel très couvert, la montée vers le col de la Corre débute après 2 km d’échauffement, plus je monte, plus le brouillard est dense, dans les 3 derniers km la visibilité est de 20 m. La descente vers Seix est frisquette. Ensuite je suis le fond de deux vallées pas des routes tranquilles, je m’arrête pour le déjeuner dans un petit village avant Sérac, je n’attends pas le début de la digestion pour attaquer tranquillement le col de Latrape, je traverse Aulus les bains sans m’y attarder,j’attaque direct le col d’Agnés avec ses 8,9 % de moyenne sur 10 km.A peine 4 km de descente et il faut déjà s’élancer sur les 4 km de montée vers le port de Lers. La descente vers Tarascon sur Ariège est pénible avec la fatigue de la journée. Je tournicote pour trouver le camping. Le soir je déguste une bonne pizza. Je me renseigne sur la route vers Ax qui est très passante et pas vraiment« bike friendly ». Comme c’est seulement 25 km je décide de quand même la conserver sur mon itinéraire.
Jeudi 3 juin, 97 km 5h17
La National 20 entre Tarascon et Ax est un milieu très hostile pour les vélos de 25 km, sur cette portion de route je croiserai plus de voitures que sur tout le reste de mon voyage cumulé !
Petit ravito à Ax puis j’attaque le col de Chioula , la seule difficulté de la journée sur 10 km à 8%. En haut la vue sur les cimes est superbe. J’entame la descente jusqu’à Prades où je fait ma pause déjeuner à 1200 m d’alt., il fait super beau.
Ensuite j’entame une descente en pente douce sur le plateau ente Ariège et Aude. Je me dirige ensuite vers Axat en suivant le lit de l’Aude entre deux falaises calcaires. Le camping est au calme à l’écart du bourg, mais il faut prendre une montée à 15 % sur 300 m pour y accéder.
Je me renseigne au village pour trouver un itinéraire bis pour éviter la Nationale 116. C’est possible par le col de Jau.
Vendredi 4 juin, 111 km, 6h17
Le jour le plus chaud et le plus long. L’itinéraire par le col de Jau est magnifique et sauvage, cela commence par les gorges de Saint Georges, l’Aude a creusée dans la roche calcaire son chemin. Ensuite ce sont les 19 km de montée vers le col de Jau. La route est creusée à flanc de falaise et passe par des petits villages, mais ça monte sévère parfois, au col 1506 m d’alt. Il y a un peu de vent mais il fait beau, je décide d’y déjeuner.
J’attaque la descente, je sent la chaleur grimpée, une bière s’impose à Mosset, tous les parasols du café sont pris par les autochtones, je bois ma bière en plein cagnard. J’arrive à Prades,je prends la N 116 sur 15 km, c’est moins fréquenté que la N 20 la veille, mais je suis content de la quitter à Bouletemères. Je reprends sur 45 km une petite route tape cul jusqu’à Amélie les bains.
J’arrive vers 18 h au camping municipal, j’ai droit à mon premier emplacement plat du voyage, je dénote un peu par rapport aux autres campeurs (des retraités en cure), je suis accueilli en quasi héros,mes voisins m’offrent de l’eau bien fraiche. A 19h il fait encore 27 degrés. Le soir je déguste un moule frite en terrasse accompagné d’une bière belge.
Samedi 5 juin, 43 km, 2h09
Départ d’Amélie les bains sous une grosse chaleur, la,route est rapide, je décide de quitter l’itinéraire direct pour rallonger par les petits villages de l’arrière pays. J’arrive à Argelès avant midi, je vais à la plage qui représente la fin de mon voyage. Il s’y déroule un tournoi de sand rugby organisé par les pompiers c’est plutôt sympa comme comité d’accueil.
Je ne m’attarde pas à Argeles , comme il me reste des jours, je prends en début d’apèm le train pour Carcassonne. Le changement de train à Narbonne est chronométré j’ai 5 minutes pour descendre du train avec mes affaires, rejoindre l’escalier, descendre/remonter l’escalier pour changer de quai, monter dans le train, je viens de battre le record du monde de l’épreuve en 4 minutes sans courir sur les quais !
A Carcassonne je m’installe au camping municipal qui est idéalement placé et aménagé avec une zone réservée aux cyclo-campeurs.
Je visite la vieille cité, après 10 jours passés dans la tranquillité, j’ai du mal à me faire à la densité d’une ville aussi touristique. Je remarque qu’un bar propose un concert en soirée sur la placette près du vieux pont. Au programme les producteurs de porc, un groupe avec comme membre d’honneur le président Christophe Salengro himself. Concert de reprise des Clash, Sex Pistols, bisti boys et bières, c’est le cocktail idéal pour fêter la réussite de mon voyage. Salengro est complètement péter depuis le milieu d’aprèm dans sa tenue de scène destroy avec caleçon et chemisette à fleurs, chaussettes SuperMan et docMartens les autres membres assurent
Dimanche 6 juin
Je n’ai même pas la gueule de bois, le temps est maussade, je part sur le canal du midi en direction de Toulouse, pendant les 110km la pluie et le vent. En plus c’est toujours plat, je suis obligé de pédaler, c’est scandaleux ! Par endroit le chemin de hallage est réduit à une bande de terre (je m’imaginais un chemin de hallage large en stabilisé), la pluie rend le pilotage délicat avec les sacoches l’arrière du vélo chasse au moindre virage. J’arrive à Toulouse fatigué. Je prends le temps de visiter la ville rose.
Lundi 7 juin
Le retour à la maison en train et car, Toulouse – Bordeaux – Nantes – Rennes ce qui me permet d’arriver à Rennes à 23h, la partie entre Nantes et Rennes se pratiquant en bus car à cette période la voie entre Nantes et Rennes était en travaux. J’ai tout le temps du trajet Bordeaux –Nantes pour démonter mon vélo afin que le chauffeur du bus à Nantes accepte de le prendre en soute, je démonte donc le vélo sous l’œil surpris des autres passagers, le pédalier et la chaine vont dans mon sac à dos, les roues sont scotchées/ficelées contre le cadre.
Quand j’arrive à Nantes je réussi à transporter en un seul voyage mon vélo démonter dans une main, les sacoches dans l’autre, mon sac sur le dos, mas sacoche de guidon en bandoulière jusqu’à l’arrêt du bus. Le chauffeur accepte sans problème de charger mon vélo alors que le contraire est stipulé sur le panneau, cool, je vais pouvoir dormir dans mon lit ce soir.
Arriver à Rennes vers 23h , je remonte le vélo en 5 minutes avant de rentrer chez moi à bicyclette.
Épilogue
Le mental et la patience ont pris une place importante dans la réussite de ce voyage . J’ai seulement réalisé l’aspect exploit sportif après le voyage, pendant je prenais les kilomètres les uns après les autres. J’ai été positivement surpris de constater comment mon organisme allait réagir à plusieurs jours en montagne avec un vélo chargé. Après le voyage j’ai été fatigué quelques jours mais une semaine plus tard j’étais en super forme pour les 100 km du raid de Pléchâtel.
Les paysages sont magnifiques tout le long du trajet, il suffit de tourner la tête vers la montagne pour retrouver des forces. Mon meilleur souvenir c’est d’avoir pris une inspiration et de me dire intérieurement cela fait des années que je n’ai pas respiré un aussi bon air.
Les liens
Le descriptif de la route des cols :
http://www.laroutedescols.com/
L’album de mes photos :
https://picasaweb.google.com/bruno.BZH.photos/RouteDesCols
Carnets D’aventures :
http://www.expemag.com/
LA randonnée légère MUL :
http://www.randonner-leger.org/wiki/doku.php?id=accueil