Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais il est possible d’observer depuis quelque temps un certain retour du titane dans le monde du VTT : nouveaux produits de la part de petites marques plutôt spécialisées (Skyde et CMT pour ne citer que des françaises), mais également de nombreux articles, voire des dossiers complets, dans la presse spécialisée.
Pour preuve les 2 dossiers traitant de ce sujet, sortis coup sur coup par Vélo Vert (n° 218) et O2Bikers (n° 157), son équivalent outre-quiévrain. Ces quelques lignes pour tenter de vous résumer le tout et de vous transmettre un avis, je l’espère objectif, suite à mon expérience personnelle.
Le titane, à l’image de sa dénomination faisant référence aux Titans de la mythologie grecque, possède des caractéristiques physiques exceptionnelles.
Celles-ci (en particulier légèreté et résistance) ont été exploitées en particulier pour des applications aéronautiques. Un exemple plutôt extrême : le SR-71 , avion espion américain, destiné à survoler, à très hautes vitesse et altitude, le territoire soviétique de l’époque (avant que les satellites fassent le même boulot plus simplement).
Le titane présente un rapport masse-rigidité-résistance particulièrement avantageux associé à une élasticité lui donnant la capacité de filtrer les petites vibrations. D’une manière générale, pour une application tubulaire (tel que pour le cyclisme), le titane procure plus de légèreté qu’un acier de qualité, il est plus solide et plus confortable. En comparaison, l’aluminium permet encore plus de légèreté mais il sera moins confortable, sa rigidité garantissant sa fiabilité. Le carbone peut marier légèreté, confort et durabilité dans le temps s’il est travaillé dans ce sens, mais il sera toujours beaucoup plus sensible aux impacts et fragile en cas de chute. A l’inverse le titane résiste bien aux impacts et garde longtemps ses qualités dynamiques car il vieillit peu.
Un tableau permet de synthétiser les caractéristiques des différents matériaux :
Masse
Prix
Confort
Rigidité / Performances
Résistance à la fatigue
Résistance aux chocs
Longévité
Titane 3/2,5
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*****
***
*****
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Carbone
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Acier CrMo 4130
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Aluminium 6061 T6
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Pour compléter le panorama, il faut savoir qu’il existe différents titanes avec leurs caractéristiques propres :
CP : titane pur. Trop souple pour être exploité pour la construction de cadre ou d’accessoires, il est parfois utilisé pour les pattes de dérailleur qui peuvent avoir l’intérêt d’être facilement redressables (comme pour les cadres acier)
3Al-2,5V : Alliage avec 94,5% de titane avec 3% d’aluminium et 2,5% de vanadium. Il s’agit, de loin, du plus utilisé dans le monde du cycle ; ses caractéristiques mécaniques étant parfaitement adaptées pour la réalisation de tubes de cadre.
6Al-4V : Alliage avec 90% de titane avec 6% d’aluminium et 4% de vanadium. Moins facile à mettre en œuvre que le 3/2,5, le 6/4 offre par contre une résistance mécanique plus élevée. On retrouve cet alliage principalement au niveau des pièces usinées (boîtier de pédalier, douille de direction, …) ainsi qu’au niveau visserie et les composants où les contraintes sont importantes.
La première application du titane pour le cyclisme a été réalisée dans les années 1950 avec des accessoires (axe de pédale) puis des cadres de vélo pour la piste et la route. Il est possible de voir aujourd’hui de nombreuses applications, en particulier pour le VTT. Pour les cadres, la quasi-majorité est réalisée avec des tubes 3/2,5 (avec ou non un complément en titane du 6/4 pour les pièces usinées du cadre). Seuls quelques modèles exclusifs sont réalisés intégralement en 6/4.
L’intérêt du titane est vite relativisé dès lors que l’on parle de cadre avec suspension arrière, sauf dans le cas de modèles dit « soft-tail » qui se basent sur la capacité élastique du titane. Dans ce cas, le cadre est doté d’un amortisseur arrière à faible débattement (quelques centimètres), ce dernier étant obtenu uniquement par la flexion des bases arrières.
Une question se pose également à propos des cadres en titane, il s’agit du prix : pour quelle raison, ces cadres sont-ils si chers ? Tout d’abord à cause du métal lui-même qui est très demandé par de nombreuses applications technologiques, l’aéronautique en particulier. Cela est également dû au fait que le titane est difficile à travailler. Les soudures doivent être réalisées manuellement et sous atmosphère contrôlée (sous gaz inerte). Ce sont les soudeurs font la réputation d’un fabricant de cadres en titane (les pros, cf. post Titane du forum de Vélo Vert, savent reconnaître la provenance du cadre rien qu’en regardant la régularité des soudures …).
Actuellement, la grande majorité des cadres en titane proviennent dorénavant de Chine populaire. C’est le cas en particulier des marques telles que Skyde, Van Nicholas et Sobre , qui proposent des cadres relativement abordables. Il est d’ailleurs possible de trouver sur le net les mêmes produits proposés directement par l’usine de production à des coûts encore moins élevés.
Il est dorénavant difficile de trouver des marques qui réunissent la conception et la fabrication de leurs cadres. Parmi les « gardiens du temple » (avec les tarifs associés), quelques marques VTT 100% titane (en fait américaines) :
- Merlin
- Moots
- Seven
- Dean
- Lynskey (fondateur de Litespeed et qui produit pour d’autres marques)
Même Jeff Jones fait dorénavant fabriquer ses cadres chez Merlin.
Pour les accessoires, le titane est également employé. Tout d’abord pour rechercher l’apport du confort :
- Tige de selle : la capacité du tube à se déformer sous le poids du pilote assis sur sa selle ainsi qu’à dissiper les vibrations en fait une solution particulièrement efficace pour améliorer le confort d’un cadre rigide (cf. plus loin).
- Rails de selle : un des usages les plus répandus et une des meilleures façons « économiques » d’accéder au monde du titane (ce fut mon cas).
- Cintre : à relativiser avec l’emploi quasi-systématique de fourches suspendues.
- Fourche : pour un retour aux sources avec une fourche rigide avec un minimum de confort.
Puis pour la légèreté (« weight-weenies ») et la robustesse :
- Visserie
- Cassette
- Blocage de roues
- Axe de pédalier
- Potence
Ensuite mon expérience personnelle. Voulant remplacer, il y a quelque temps, mon VTT, un Commençal « Love » … Joli nom, non ? … Bref, voulant remplacer mon cadre acier par un cadre tout aussi confortable mais sans passer du côté du tout mou, me voici parti à la recherche d’un autre cadre fait du même métal qui rouille. Mais la mode était passée par là ! Il n’était plus possible de trouver un modèle de VTT courant avec un cadre acier. On ne parlait plus qu’aluminium, voire carbone …
En parallèle, la consultation du post Titane (très actif et très professionnel de part ses contributeurs) du forum Vélo Vert, permet d’en apprendre plus sur ces cadres de VTT dotés d’une qualité particulièrement recherchée, c’est-à-dire le confort (relatif cela va de soit sachant que l’on parle de cadre rigide). Capacité complétée par des caractéristiques également intéressantes telles la légèreté et la longévité. Seul reste le prix … mais le luxe peut être abordable. Pour preuve, un petit suivi d’annonces sur Internet m’a permis d’acquérir un cadre réputé (plus précisément le Morati HC1.3) pour le prix d’un cadre acier de qualité (530€ exactement tout compris).
Le HC1.3 est un des modèles produit par feu MORATI, un fabricant tchèque de cadres (route et VTT) et de composants en titane. Le nom « MORATI » à consonance italienne provient en fait de la combinaison de MORA, société tchéquo(slovaque) produisant des pièces en titane pour l’industrie aéronautique locale, et de TI comme titane. A la grande époque de Sunn (celle où l’eau n’était pas si claire), ses cadres titane étaient produits par Morati (modèle HC1.1).
Pour le montage de mon HC1.3, les composants sont commandés ici et là, ou bien récupérés sur mon Love.
Nota : Le montage de son vélo est assez simple et dans tous les cas gratifiant (c’est moi qui l’ai fait !).
Les premières impressions ont été assez déroutantes principalement de part la souplesse du cadre en latéral vite mise à contribution par mon « gabarit » qui, on va le dire, devrait me permettre de gagner haut la main le trophée du gros rouleur du Bretagne VTT (mais le classement de ce trophée n’est pas fonction du nombre apparaissant sur le pèse-personne !).
Cette souplesse amène le confort et les longues sorties s’effectuent sans problème (étant pourtant sensible du dos). Mon expérience dans le domaine est relativement limitée, mais la dernière en date, les 80km du Roc’h des Monts d’Arrée, s’est effectuée sans soucis niveau confort, seul manquait la forme du propriétaire …
Ce cadre est effectivement exigeant pour pouvoir profiter à fond de ses qualités. C’est bizarre en ressenti, mais le cadre semble vous relancer, comme un élastique. Mais pour ne pas être baladé à chaque grosse irrégularité et rester « maître » du (tout) terrain, faut mieux être en forme (et ne pas rester le cul sur la selle). Par contre, si celle-ci est présente, c’est un bonheur qui est exacerbé par la meilleure exploitation de ce type de cadre. Dans ce cas, la relance à chaque coup de pédale vous semble bénéfique. Pas en nervosité brutale en danseuse (du moins pour le HC1.3, étant donnée sa souplesse en latéral) mais plutôt au train en mettant les watts progressivement tout en restant en ligne.
En consultant les différents forums sur le sujet, cette caractéristique (ou du moins ce ressenti), est une constante pour le cadres en titane. A un tel point que certains considèrent ce métal comme magique : s’adaptant au terrain, confortable et nerveux. Il semble toutefois (en lisant la conclusion du dossier d’02Bikers) que cet adjectif ne puisse être vraiment employé que pour des modèles titane très haut de gamme (> 2000€ le cadre …), tels que ceux produits par le fabricant qui porte bien son nom : Merlin.
Pour s’approcher de ce nirvana vététesque (selon certains), le meilleur moyen est d’acquérir une tige de selle en titane. J’en ai une depuis peu (modèle chinois d’une Van Nicholas) et les premières sensations ont été bluffantes (largement au-delà de ce que j’envisageais). Dans mon cas, ce qui m’a surpris le plus, c’est la capacité de cette tige de selle pour atténuer très largement l’effet « retour d’élastique » généré par le cadre. Ne me demandez pas pourquoi, ni comment ! Magie ?!?!
Pour conclure : avec un cadre en titane, vous aurez le confort (pour un cadre rigide et une géométrie qui vous convient, cela va de soit), peut-être pas la nervosité (du moins au sens où on l’entend habituellement) mais, dans tous les cas, un bel objet, durable et pas comme les autres. Et achetez une tige de selle en titane !!!